Comment puis-je savoir si mon eau contient des PFAS ? analyses, seuils réglementaires et transparence des données publiques

Comment puis-je savoir si mon eau contient des PFAS ? analyses, seuils réglementaires et transparence des données publiques

Vous avez entendu parler des « polluants éternels » et vous vous demandez si votre eau du robinet (ou de forage) en contient aussi ? Vous n’êtes pas seul·e. Depuis les révélations autour des sites industriels contaminés en France, la question « Est-ce que je bois de l’eau avec des PFAS ? » revient partout… mais les réponses restent souvent floues.

Dans cet article, on va décortiquer ce qui existe (et ce qui manque) pour savoir si votre eau contient des PFAS : les analyses possibles, les seuils réglementaires, et surtout l’accès – parfois compliqué – aux données publiques.

Rappel express : pourquoi les PFAS dans l’eau posent problème ?

Les PFAS (per- et polyfluoroalkylées) sont des milliers de substances utilisées pour leurs propriétés antiadhésives, anti-taches, imperméabilisantes… Elles ont un point commun : elles se dégradent très mal dans l’environnement. Résultat, on les retrouve dans l’air, les sols, les aliments… et l’eau potable.

Ce qui inquiète les scientifiques, ce n’est pas seulement leur présence, c’est surtout :

  • leur persistance (elles s’accumulent dans l’environnement et parfois dans l’organisme) ;
  • leurs effets sanitaires potentiels à faibles doses (troubles hormonaux, immunitaires, certains cancers, effets sur la fertilité…) ;
  • l’effet « cocktail » : nous sommes exposés à plusieurs PFAS à la fois, souvent sur le long terme.

En France, comme dans beaucoup de pays, les autorités ont longtemps peu ou pas cherché ces composés dans l’eau potable. D’où la vraie question, aujourd’hui : quand on ne trouve pas de PFAS, est-ce parce qu’il n’y en a pas… ou parce qu’on ne les a jamais cherchés ?

Où trouver les données officielles sur les PFAS dans l’eau potable ?

Commençons par ce que vous pouvez consulter sans sortir votre carte bancaire. Il existe plusieurs sources d’information publiques, mais elles ne sont pas toujours simples à dénicher.

Le rapport annuel sur la qualité de l’eau de votre commune

Chaque année, votre distributeur d’eau doit publier un rapport d’information sur la qualité de l’eau potable. Il est généralement :

  • joint à votre facture d’eau une fois par an ;
  • disponible en mairie ;
  • consultable en ligne sur le site de votre intercommunalité ou du distributeur.

Ce rapport mentionne la conformité vis-à-vis des limites réglementaires, mais pour les PFAS, la situation est particulière :

  • dans beaucoup de communes, les PFAS n’apparaissent pas du tout, simplement parce qu’ils n’ont pas été recherchés ;
  • quand ils sont recherchés, le rapport se contente souvent d’indiquer « conforme » ou « non conforme », sans détail de valeurs.

Si le mot « PFAS » (ou parfois « composés perfluorés ») n’apparaît nulle part, ce n’est pas un gage d’absence, mais un signe de manque de surveillance.

Le site officiel sur la qualité de l’eau potable

Le Ministère de la Santé met à disposition un portail grand public dédié à la qualité de l’eau potable (avec un moteur de recherche par commune ou par adresse). Selon les périodes et les mises à jour, l’adresse peut changer, mais il est en général accessible depuis le site du Ministère de la Santé ou via les plateformes gouvernementales.

En pratique :

  • vous entrez le nom de votre commune ;
  • vous accédez à une fiche synthétique sur la qualité de l’eau ;
  • un lien permet parfois de télécharger les analyses détaillées.

Le problème : pour les PFAS, l’affichage est encore très inégal. La campagne nationale d’analyses lancée en 2022-2023 n’est pas encore totalement « digérée » dans tous les outils publics, et certaines données sont publiées de manière très parcellaire.

Les sites des ARS, préfectures et la plateforme data.gouv.fr

Pour certaines régions fortement concernées, les Agences Régionales de Santé (ARS) ou les préfectures ont publié des cartes de résultats PFAS dans l’eau potable. On les trouve par exemple :

  • dans des dossiers thématiques sur la pollution aux PFAS ;
  • via des communiqués de presse ;
  • sous forme de fichiers téléchargeables (souvent des fichiers tableur) sur data.gouv.fr.

Ces jeux de données peuvent être techniques, mais ils ont un avantage : ils donnent les chiffres bruts (en ng/L ou µg/L) pour chaque captage ou unité de distribution. Si vous aimez fouiller les données plutôt que de vous contenter d’un « conforme / non conforme », c’est là que ça devient intéressant.

Astuce : tapez dans un moteur de recherche « PFAS eau potable + ARS + nom de votre région » ou « PFAS data.gouv eau potable » pour voir ce qui remonte. Les données ne sont pas homogènes sur le territoire, mais certaines régions publient beaucoup d’informations.

Que signifient les valeurs et seuils réglementaires PFAS dans l’eau ?

Une fois que vous avez mis la main sur un tableau d’analyses, reste à déchiffrer tout ça. Parce que non, ce n’est pas toujours limpide.

Les unités : ng/L, µg/L… ça change quoi ?

Les PFAS dans l’eau sont généralement exprimés :

  • en ng/L (nanogrammes par litre), soit 1 milliardième de gramme par litre ;
  • ou en µg/L (microgrammes par litre), soit 1 millionième de gramme par litre.

1 µg/L = 1000 ng/L. Autrement dit, si un document parle de 0,1 µg/L, cela correspond à 100 ng/L. Gardez ce facteur 1000 en tête, il évite quelques frayeurs inutiles… ou l’inverse.

Les deux grands indicateurs PFAS fixés par l’UE

La directive européenne sur l’eau potable, transposée en droit français, prévoit deux paramètres PFAS :

  • la somme de 20 PFAS spécifiques (PFAS « d’intérêt » pour la santé) : seuil de 0,10 µg/L, soit 100 ng/L ;
  • les PFAS totaux (tous les PFAS mesurables avec une méthode globale) : seuil de 0,50 µg/L, soit 500 ng/L.

Ces seuils ne sont pas des « seuils de toxicité » au sens strict, mais des valeurs de qualité : au-delà, l’eau est considérée comme non satisfaisante et doit faire l’objet d’actions correctives.

Les États membres peuvent durcir ces seuils, ou fixer des valeurs indicatives plus basses. Plusieurs pays l’ont déjà fait, parfois avec des ambitions bien supérieures aux exigences minimales européennes.

Et en France, où en est-on vraiment ?

La France a engagé une vaste campagne d’analyses PFAS sur les captages d’eau potable à partir de 2022. L’objectif : identifier les zones les plus touchées et adapter la surveillance.

Dans les textes français, on retrouve :

  • l’intégration progressive des paramètres PFAS dans la réglementation eau potable ;
  • des valeurs relatives à la somme de certains PFAS ;
  • un calendrier d’analyses renforcées sur les ressources à risque.

Mais un point reste sensible : une eau peut être « réglementairement conforme » tout en présentant des niveaux de PFAS que certains scientifiques jugent préoccupants, en particulier pour les populations vulnérables (femmes enceintes, nourrissons, personnes à risque cardiovasculaire).

D’où l’importance de ne pas se limiter au seul mot « conforme », mais de regarder le détail des concentrations, quand elles sont disponibles.

Comment se déroule une analyse PFAS de l’eau ?

Vous vous demandez si vous pourriez faire analyser votre eau vous-même ? Techniquement, oui. Mais ce n’est ni trivial, ni bon marché.

Les méthodes de laboratoire pour les PFAS

Les analyses PFAS reposent en général sur des méthodes sophistiquées, de type chromatographie couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS/MS). Concrètement :

  • les échantillons d’eau sont prélevés dans des flacons spéciaux (sans PFAS, évidemment) ;
  • ils sont souvent filtrés et concentrés avant analyse ;
  • la machine sépare puis quantifie chaque PFAS ciblé individuellement.

Les laboratoires ne recherchent pas « tous » les PFAS (il y en a des milliers), mais une liste de substances choisies : PFOA, PFOS, PFHxS, PFNA, etc. Cette liste peut varier selon les labos et les demandes.

Faire analyser son eau : à quoi s’attendre ?

Si vous faites appel à un laboratoire privé :

  • comptez souvent entre quelques centaines et plus de mille euros, selon le nombre de composés recherchés ;
  • demandez précisément la liste des PFAS analysés, la limite de quantification et le format des résultats ;
  • assurez-vous que le labo est accrédité pour ce type de mesure.

Les résultats indiqueront, pour chaque PFAS :

  • la concentration mesurée (par ex. 5 ng/L) ;
  • ou la mention « < LQ » (inférieur à la limite de quantification), quand la substance est trop basse pour être mesurée précisément.

Attention : un résultat « < LQ » ne signifie pas « 0 », mais « en-dessous de ce que la méthode permet de mesurer de manière fiable ». Si la LQ est élevée (par exemple 20 ng/L), on peut passer à côté de concentrations plus faibles mais non négligeables.

PFAS totaux ou PFAS ciblés : quelle différence pour votre eau ?

Deux grands types d’approches coexistent :

  • Analyses ciblées : on cherche une liste précise de PFAS (par exemple 20 composés). On obtient des concentrations détaillées pour chaque substance, mais tout ce qui n’est pas dans la liste passe sous le radar.
  • Mesures globales : par exemple les « PFAS totaux » ou la somme des composés organofluorés extractibles (EOF). Cela donne une idée de la charge totale, mais sans savoir quels PFAS sont présents exactement.

Pour le citoyen, ce n’est pas franchement simple à interpréter. Mais retenir ceci aide :

  • une analyse ciblée permet de comparer vos résultats aux seuils réglementaires européens (qui s’appuient sur une liste de 20 PFAS) ;
  • une mesure globale peut révéler une pollution « cachée », non détectée par les listes standard.

Que faire si votre eau est contaminée aux PFAS ?

Mettons que vous ayez réussi à obtenir des résultats montrant des PFAS dans votre eau. Et maintenant ?

Interroger votre distributeur d’eau et l’ARS

Si les concentrations dépassent (ou frôlent) les seuils de la directive européenne, ou si vous constatez que des PFAS sont détectés sans explication dans les documents locaux :

  • contactez votre service d’eau potable (coordonnées sur votre facture) ;
  • demandez des précisions écrites : fréquence des analyses, captage concerné, mesures prévues ;
  • si besoin, saisissez l’Agence Régionale de Santé pour demander des explications et des mesures de gestion.

Il est utile de poser des questions simples mais précises, du type :

  • « Quelles substances PFAS sont analysées et à quelle fréquence ? »
  • « Pouvez-vous me transmettre les résultats détaillés des deux dernières années ? »
  • « Quelles actions sont envisagées si les niveaux se maintiennent au-dessus de x ng/L ? »

Faut-il arrêter de boire l’eau du robinet ?

La réponse dépend de plusieurs facteurs :

  • le niveau de PFAS mesuré (quelques ng/L ou plusieurs centaines ?) ;
  • votre situation (femme enceinte, nourrisson, maladie chronique…) ;
  • les alternatives disponibles (eau en bouteille, eau filtrée, autre source).

Certains filtrent leur eau avec des dispositifs à charbon actif ou osmose inverse. Ces solutions peuvent réduire (parfois fortement) les niveaux de certains PFAS, mais :

  • leur efficacité varie selon les modèles et l’entretien ;
  • elles ont un coût, financier et environnemental ;
  • elles ne remplacent jamais la nécessité d’une action à la source et au niveau des réseaux publics.

En clair : protéger sa famille à court terme peut passer par des solutions individuelles, mais la priorité reste de faire pression pour que l’eau distribuée soit sûre sans que chacun ait à devenir chimiste amateur.

Comment savoir si l’on vous dit tout sur les PFAS dans votre commune ?

La transparence est au cœur du sujet. Les PFAS ont longtemps été des contaminants « invisibles », non pas parce qu’ils n’étaient pas là, mais parce qu’on ne les cherchait pas. La situation s’améliore, mais le réflexe de transparence n’est pas toujours au rendez-vous.

Quelques signaux utiles :

  • Présence d’informations publiques détaillées : cartes interactives, rapports PFAS, données brutes téléchargeables… c’est généralement bon signe.
  • Clarté du discours : les documents admettent l’existence de PFAS, expliquent les risques, les incertitudes, et les mesures prévues, sans minimiser ou dramatiser.
  • Possibilité de poser des questions : réunions publiques, réponses écrites de la mairie, de l’ARS, du syndicat des eaux…

À l’inverse, le manque total d’information ou les réponses évasives du type « RAS, eau conforme » sans aucun chiffre peuvent interroger, surtout dans les zones proches d’activités industrielles connues pour utiliser ou avoir utilisé des PFAS.

PFAS, analyses et transparence : ce que vous pouvez faire à votre échelle

Tout le monde n’a pas les moyens de commander des analyses privées ou de décrypter des fichiers CSV. Mais plusieurs leviers restent accessibles :

  • Lire attentivement les rapports de qualité de l’eau reçus avec vos factures, et demander des précisions lorsqu’ils sont trop lacunaires.
  • S’informer sur les sources de captage (noms des ressources, proximité de sites industriels, zones agricoles, incinérateurs…) via les documents de votre commune ou intercommunalité.
  • Participer aux réunions publiques lorsqu’un problème de qualité d’eau est évoqué et poser des questions sur les PFAS, même si ce n’est pas encore officiellement « à l’ordre du jour ».
  • S’appuyer sur les associations locales et nationales qui suivent le dossier PFAS et relaient les informations techniques de manière plus accessible.

La réalité, c’est que nous sommes en plein moment charnière : les PFAS sortent de l’ombre. Les outils réglementaires, les seuils, les méthodes d’analyse et la publication des données évoluent rapidement. Ce qui est vrai aujourd’hui sur la transparence et la surveillance peut changer dans les prochaines années.

En attendant, poser la question « Y a-t-il des PFAS dans mon eau ? » n’est ni paranoïaque, ni alarmiste : c’est un réflexe de santé publique. Et tant que la réponse restera compliquée à obtenir, c’est que le travail sur la transparence n’est pas terminé.