Pourquoi filtrer les PFAS dans l’eau du robinet ?
Les « polluants éternels », vous en entendez parler de plus en plus, et à juste titre. Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) sont présents dans notre environnement, notre alimentation, et, pire encore, dans notre eau potable. Résistants à la dégradation, ils s’accumulent dans nos organismes… et dans ceux de nos enfants. Alors, que vous habitiez une grande ville ou un petit village rural, la question devient cruciale : comment filtrer efficacement les PFAS de l’eau que nous consommons chaque jour ?
Dans cet article, j’analyse les solutions de filtration d’eau disponibles pour les particuliers comme pour les collectivités. Quels systèmes fonctionnent vraiment ? Le charbon actif est-il suffisant ? Qu’en est-il des osmoseurs, ou encore des solutions à grande échelle pour les communes ? Bref, si vous cherchez à boire une eau plus saine sans devoir déménager dans les Alpes, restez avec moi.
Les PFAS, c’est quoi exactement ?
Avant de passer aux solutions, petit rappel utile. Les PFAS sont plus de 4 700 composés chimiques utilisés pour leurs propriétés antiadhésives ou imperméabilisantes (dans les poêles Teflon, les textiles, les emballages alimentaires…). Problème : ces substances sont extrêmement persistantes. Elles résistent à la chaleur, à l’eau, à la biodégradation, et donc… aux stations d’épuration classiques.
Conséquences ? Elles s’accumulent dans l’environnement, et sont aujourd’hui détectées dans de nombreuses sources d’eau potable en France. Pire, selon Santé Publique France, 9 enfants sur 10 sont déjà contaminés dès la naissance. Rien que ça.
Quels types de filtres permettent d’éliminer les PFAS ?
Bonne nouvelle : certains dispositifs permettent bel et bien de réduire la concentration de PFAS dans l’eau potable. Mauvaise nouvelle : ce n’est pas le cas de tous. Voici les principales technologies utilisées, avec leurs avantages et limites.
Le charbon actif : une solution abordable mais imparfaite
Le charbon actif, c’est un peu le couteau suisse de la filtration domestique. On le retrouve dans de nombreuses carafes filtrantes et unités sous évier. Il fonctionne en adsorbant (et non absorbant, notez la nuance !) les contaminants présents dans l’eau, y compris certains PFAS.
Avantages :
- Coût relativement faible
- Facile à installer chez soi
- Capacité à réduire d’autres polluants (chlore, certains pesticides)
Limites :
- Moins efficace sur les PFAS à chaîne courte comme le PFBA ou le PFBS
- Nécessite un remplacement fréquent des cartouches pour rester performant
- Efficacité fortement dépendante du débit d’eau et de la qualité du charbon
En résumé : Une première ligne de défense intéressante, notamment pour un particulier, mais qui ne suffit pas à elle seule pour une élimination complète des PFAS. À retenir si vous avez un budget limité, mais souhaitez tout de même agir.
L’osmose inverse : la méthode la plus efficace pour les particuliers
Imaginez une barrière si fine qu’elle ne laisse passer que les molécules d’eau. C’est le principe de l’osmose inverse : un système de filtration par membrane qui fonctionne à haute pression. Résultat ? Une redoutable efficacité, y compris contre les PFAS, même à chaîne courte.
Avantages :
- Excellente capacité de filtration, efficace sur la quasi-totalité des PFAS
- Élimine aussi les métaux lourds, les nitrates, les résidus de médicaments…
- Des modèles domestiques disponibles pour une installation sous évier
Limites :
- Installation plus complexe qu’une carafe filtrante
- Coût d’achat et d’entretien plus élevé à long terme
- Production d’eau « rejetée », donc gaspillage partiel (1L d’eau filtrée ≈ 3L d’eau consommée selon les modèles)
À savoir : Pour une efficacité optimale contre les PFAS, optez pour un modèle certifié NSF/ANSI 53 ou 58. Ces normes garantissent une réduction significative de nombreux polluants persistants.
Les résines échangeuses d’ions : une solution pointue, mais onéreuse
Peu connues du grand public, ces résines fonctionnent en piégeant les ions PFAS et en les remplaçant par d’autres ions inoffensifs. Utilisées dans certains traitements industriels ou en complément de filtres domestiques, elles offrent une réelle efficacité… mais à un coût souvent dissuasif pour un particulier.
Avantages :
- Très haute efficacité sur certains types de PFAS
- Peut être utilisée en complément d’osmoseur inverse ou de charbon actif
Limites :
- Prix élevé
- Remplacement régulier des résines nécessaire
- Système encore essentiellement réservé à un usage collectif ou professionnel
À noter : Des collectivités commencent à s’équiper de résines échangeuses d’ions dans les zones fortement contaminées, notamment dans l’Est de la France.
Et les carafes filtrantes dans tout ça ?
Vous vous demandez sûrement si votre jolie carafe sur le comptoir de cuisine suffit. La réponse est : en partie. Certaines marques intègrent des filtres à charbon actif capables de réduire une petite fraction des PFAS à chaîne longue.
Mais attention : la plupart des carafes disponibles en supermarché ne sont pas testées spécifiquement pour les PFAS. Quelques marques (comme ZeroWater ou Epic Water Filters) communiquent néanmoins sur des résultats encourageants. Vérifiez systématiquement les certifications et les tests tiers avant d’acheter.
Conseil : Si vous utilisez une carafe, remplacez les filtres plus fréquemment que recommandé. Plus un filtre vieillit, plus il relâche ce qu’il avait capturé… y compris des PFAS.
Solutions pour les collectivités : que peut faire ma commune ?
Les particuliers ne sont pas les seuls à s’inquiéter des PFAS. De plus en plus de collectivités s’interrogent sur les traitements possibles au niveau des stations d’eau potable. Voici les principales options :
Charbons actifs en lits granuleux (GAC) : déjà utilisés dans certaines usines de traitement, ils peuvent filtrer une grande quantité d’eau avec des résultats encourageants sur les PFAS à chaîne longue. Mais leur entretien est crucial : sans remplacement régulier, leurs performances chutent.
Osmose inverse à grande échelle : très efficace, mais aussi énergie-intensive. Convient principalement aux zones fortement touchées, où la présence de PFAS justifie l’investissement.
Résines spécialisées : les stations de traitement en Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne commencent à se tourner vers cette technologie avec succès. Certaines installations en France, comme dans la vallée de la chimie près de Lyon, envisagent cette voie.
Interpellation des collectivités : Si vous résidez dans une zone à risque, comme les environs de Pierre-Bénite, changer de robinet ne suffira pas. Parlez-en au conseil municipal, aux régies d’eau locales, ou mobilisez-vous via des associations citoyennes. Sans pression publique, peu de communes engagent les frais nécessaires à ce type d’équipement.
Et si je veux savoir si mon eau contient des PFAS ?
C’est la base, non ? Avant de filtrer, encore faut-il savoir ce qu’il y a dans l’eau. Malheureusement, en France, trouver des données précises sur les PFAS dans l’eau potable reste compliqué.
Voici quelques pistes :
- Consultez le dernier rapport d’analyse de votre eau disponible sur le site du ministère de la Santé ou de votre mairie. Peu de communes testent encore les PFAS, mais cela évolue.
- Des associations comme Générations Futures ou des ONG locales publient parfois des relevés indépendants.
- Certains laboratoires privés proposent des kits de test à domicile. Comptez environ 200 € pour une analyse fiable.
Pas donné, certes. Mais cela peut s’avérer utile si vous vivez à proximité d’anciens sites industriels ou d’aéroports, deux types de zones particulièrement vulnérables à la contamination PFAS.
Que faire concrètement chez soi ? Mon plan d’action
Pour celles et ceux qui veulent agir, voici une feuille de route réaliste à suivre :
- Évaluer votre exposition : vérifiez les sources potentielles de contamination autour de chez vous (anciennes usines, incinérateurs, terres polluées).
- Analyser votre eau ou consulter les données locales.
- Choisir une solution adaptée :
- Pour une action immédiate : carafe filtrante de qualité > charbon actif sous évier
- Pour une solution à long terme : osmose inverse certifiée + maintenance régulière
- En complément : filtration du point de douche (pour limiter l’inhalation), filtrage des eaux de cuisson
- Informer votre entourage : voisins, famille, élus. Le bouche-à-oreille est l’arme des citoyens avisés !
Pour celles et ceux qui attendent encore que l’État fasse le ménage dans les PFAS, je préfère vous prévenir : il va falloir être patient. En attendant, mieux vaut agir localement… quitte à commencer par votre robinet.
