Site icon

Combien de temps les pesticides restent dans le sol selon les types de cultures

Combien de temps les pesticides restent dans le sol selon les types de cultures

Combien de temps les pesticides restent dans le sol selon les types de cultures

Les pesticides et le sol : un mariage parfois trop durable

On les utilise pour « protéger » les cultures, et pourtant, les pesticides laissent souvent derrière eux des traces bien plus tenaces qu’on ne l’imagine. Combien de temps restent-ils réellement dans nos sols ? Et comment leur persistance varie-t-elle selon le type de culture ? Des pommes de terre aux champs de maïs, le temps passe mais les molécules, elles, persistent… parfois des années.

Tout commence avec la demi-vie : cette inconnue du grand public

Avant de plonger dans le cœur de nos terres agricoles, posons quelques bases. Pour comprendre combien de temps un pesticide reste présent dans le sol, les scientifiques parlent de « demi-vie » — soit le temps nécessaire pour que la moitié du pesticide appliqué se dégrade ou soit éliminé du sol.

Cette demi-vie peut varier de quelques jours… à plusieurs décennies (!). Par exemple :

Et c’est là où les choses se compliquent : tous les sols ne se valent pas, et toutes les cultures n’interagissent pas de la même manière avec les pesticides.

Des légumes-racines aux cultures céréalières : quelles différences ?

Le type de culture influence à la fois la quantité de pesticides utilisée et la façon dont ces produits se dégradent ou s’accumulent dans le sol.

Les légumes-racines (pommes de terre, carottes, betteraves)

Leur proximité directe avec le sol en fait des cultures particulièrement sensibles aux résidus. Ils nécessitent aussi souvent des traitements fongicides ou insecticides plus fréquents.

Sur des parcelles de pommes de terre, certains fongicides comme le metalaxyl peuvent être retrouvés dans le sol jusqu’à 12 mois après traitement. Et dans certains cas, des résidus permettent de prédire la contamination des nappes phréatiques, ce qui inquiète fortement les autorités sanitaires.

Anecdote : dans le nord de la France, des études menées dans les Hauts-de-France ont retrouvé des traces de produits désormais interdits, plusieurs années après l’arrêt de leur usage. Dans des terres exploitant la culture de betteraves depuis des décennies, la concentration de certains métabolites persistants restait préoccupante.

Les cultures céréalières (blé, maïs, orge)

Ces grandes monocultures sont souvent traitées en amont, avec des herbicides comme le glyphosate ou le prosulfocarbe. Bien que ces produits soient censés se dégrader rapidement, leur rémanence reste notable.

Un exemple frappant ? Le prosulfocarbe est détecté jusque dans les airs, mais aussi plusieurs mois après traitement, à des dizaines de kilomètres des zones d’application initiales. Dans le sol, selon les régions, il peut rester actif entre 20 et 90 jours. Cela peut sembler court, mais c’est suffisant pour affecter la culture suivante ou perturber le microbiome du sol.

Les vergers (pommes, poires, cerises)

Les cultures fruitières, surtout en vergers, font partie des plus fortement traitées : fongicides, insecticides et herbicides cohabitent toute l’année. Avec des applications à répétition, les sols peuvent devenir des zones de stockage involontaire de pesticides.

Dans un sol utilisé pour des pommiers, certains chercheurs ont constaté que des résidus de boscalid (un fongicide largement utilisé) restaient actifs plus de 15 mois. Et même si les législations encadrent son usage, la durée de dégradation réelle reste liée à de nombreux facteurs : épaisseur de la couche arable, niveau de matière organique, humidité, etc.

Culture bio vs culture conventionnelle : un sol qui respire mieux ?

On pourrait être tenté de penser que les sols cultivés en bio sont exempts de toute trace de pesticides chimiques. Disons que c’est… à moitié vrai. Les exploitations en conversion et voisines de cultures conventionnelles peuvent hériter, malgré elles, de résidus dans le sol.

Néanmoins, des études montrent que la biodiversité microbiologique est meilleure dans les sols bio, favorisant ainsi une dégradation plus rapide des substances chimiques présentes. Les microorganismes jouent un rôle clé dans la dégradation des pesticides — encore faut-il qu’ils ne soient pas eux-mêmes affectés par ces molécules.

En résumé : mieux vaut un sol vivant pour dégrader plus efficacement ce qu’on y met (même involontairement).

Facteurs qui influencent la persistance des pesticides

Le type de culture n’est que la partie visible de l’iceberg. La durabilité des pesticides dans le sol dépend aussi de :

Un exemple donne à réfléchir : dans certaines zones céréalières intensives, le manque de rotation et la faible diversification des cultures ont amené à une accumulation de métabolites de pesticides dans les cinq premiers centimètres de sol — un stock invisible à l’œil nu, mais bien réel.

Et la santé dans tout ça ?

La persistance des pesticides dans le sol n’est pas qu’un dilemme agronomique. Le lien avec la santé humaine est direct. Quand un pesticide s’accumule, il augmente la probabilité de contamination des nappes phréatiques, et donc de notre eau potable. Sans oublier l’effet cumulatif : chaque résidu est un morceau du puzzle de la pollution chimique ambiante, parfois surnommée le « cocktail toxique ».

Des études menées par l’ANSES ont mis en évidence la présence de certaines substances comme les métabolites du chloridazon (utilisé dans la culture de la betterave) dans l’eau potable de plusieurs communes. Et devinez quoi ? Cette molécule peut persister plus d’un an dans certains sols, surtout en cas de drainage pauvre.

Des alternatives, vraiment ?

Le salut viendra-t-il d’une transition vers l’agroécologie ? Plusieurs recherches, notamment menées par l’INRAE, démontrent que des pratiques agricoles fondées sur la biodiversité (rotations longues, cultures associées, plantes de couverture…) réduisent considérablement — voire suppriment — le besoin de traitements chimiques persistants.

Même dans des cultures historiquement dépendantes des pesticides, comme la vigne ou la pomme de terre, des alternatives émergent : biocontrôle, compost, prédation naturelle, etc. Cela ne règle pas la question des polluants déjà présents dans les sols… mais c’est un début, et chaque saison sans molécule persistante rend nos sols un peu plus libres.

Comprendre, surveiller… et agir

Le lien entre cultures et durabilité des pesticides dans le sol est complexe. Mais une chose est claire : les sols ne sont pas des éponges à mémoire courte. Chaque choix agricole laisse une empreinte chimique, parfois bien plus durable que prévu. Alors, en tant que citoyens, mangeurs, jardiniers du dimanche ou défenseurs de l’environnement, restons vigilants sur ce qui se trame… tranquillement sous nos pieds.

Et si vous avez un potager ou un terrain, pourquoi ne pas faire analyser votre sol ? C’est souvent plus simple qu’on ne le pense, et parfois riche en (mauvaises) surprises — mais mieux vaut savoir, non ?

Quitter la version mobile