Pfas Paris : les zones à risque et les sources de contamination identifiées

Pfas Paris : les zones à risque et les sources de contamination identifiées

PFAS à Paris : une menace invisible aux portes de la capitale

Imaginez une menace invisible, indétectable à l’œil nu, mais capable de s’infiltrer dans l’eau que nous buvons, dans l’air que nous respirons ou même dans les produits que nous utilisons chaque jour. Cette menace, ce sont les PFAS – ces « polluants éternels » qui suscitent aujourd’hui l’inquiétude croissante des experts de la santé publique et des écologistes. Paris, souvent perçue comme un îlot de modernité, n’est malheureusement pas épargnée. Plusieurs études commencent à lever le voile sur les zones à risque autour de la capitale et les sources multiples de contamination. Décryptage.

Petit rappel : que sont les PFAS, et pourquoi sont-ils si préoccupants ?

Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) constituent une vaste famille chimique regroupant plus de 4 000 composés. Leur particularité ? Ces substances sont extrêmement résistantes à la dégradation, d’où leur surnom de « polluants éternels ». On les retrouve dans une myriade de produits du quotidien : emballages alimentaires, textiles imperméables, mousses anti-incendie, cosmétiques… et, hélas, dans l’environnement.

Exposés de manière chronique aux PFAS, les humains peuvent développer de nombreux problèmes de santé : perturbations hormonales, baisse de l’immunité, troubles du foie, certains cancers… Face à ces risques majeurs, la cartographie des zones contaminées devient une urgence.

Des zones sensibles identifiées en Île-de-France

Paris intra-muros semble relativement épargnée par les contaminations directes d’origine industrielle, mais ses alentours – notamment en grande couronne – concentrent plusieurs sources identifiées. Des premiers relevés menés par des ONG environnementales et des chercheurs indépendants mettent en lumière plusieurs foyers préoccupants :

  • Site de production de mousses anti-incendie à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) : utilisé depuis des décennies, ce site industriel est suspecté d’avoir relâché des quantités importantes de PFAS dans les sols et les eaux souterraines du secteur.
  • Plateformes logistiques d’Aulnay-sous-Bois et Tremblay-en-France : ces zones industrielles abritent de nombreuses entreprises utilisant des dérivés fluorés pour l’emballage ou la fabrication de revêtements résistants. Des traces de PFAS ont été relevées dans l’eau pluviale et les bassins d’eaux usées.
  • Usines chimiques de la vallée de la Seine (jusqu’à Mantes-la-Jolie) : héritage d’un passé industriel dense, ces installations sont connectées au réseau hydrographique qui traverse l’Île-de-France. Des prélèvements dans la nappe de la Craie ont révélé des concentrations préoccupantes de PFOS et PFOA – deux PFAS parmi les plus étudiés pour leur toxicité.

Mais la contamination ne se limite pas aux zones industrielles… d’autres sources plus diffuses existent, parfois insoupçonnées.

Les stations d’épuration parisiennes ciblées

On retrouve aujourd’hui des traces de PFAS dans les effluents traités par certaines stations d’épuration franciliennes, notamment celles de Seine-Amont et Seine-Aval, qui traitent également les eaux usées de la capitale.

Pourquoi cela est-il problématique ? Parce que ces stations sont conçues pour éliminer les polluants biologiques et certains métaux lourds… mais pas les PFAS, qui leur échappent largement. Résultat : ces substances repartent dans le cycle de l’eau, alimentant les fleuves ou les nappes phréatiques en aval, et finissent parfois par revenir… dans nos robinets !

La boucle est bouclée. Ironique, non ?

Une cartographie encore lacunaire, mais en évolution

En avril 2023, l’ONG Générations Futures a publié une première carte interactive des sources connues ou suspectées de pollution aux PFAS sur le territoire français. Paris et la région Île-de-France comptent à ce jour une dizaine de sites identifiés avec suspicion élevée. Cela étant dit, les données sont encore partielles, et beaucoup reste à documenter.

Certaines collectivités commencent à s’y mettre. La Métropole du Grand Paris a récemment commandé une campagne de mesures sur ses principaux cours d’eau. Les premières analyses sur la Marne et la Seine pointeraient une contamination de fond, certes faible, mais omniprésente. Faut-il s’en alarmer ? Pas forcément, mais certainement s’y intéresser de près.

Les pompiers… victimes collatérales

Un autre angle souvent oublié du grand public, c’est celui des pompiers. Parce que ces derniers utilisent (ou utilisaient jusqu’il y a peu) des mousses anti-incendie contenant des PFAS, ils sont directement exposés aux vapeurs ainsi qu’aux résidus imbibant leurs équipements de protection.

À Paris comme ailleurs en France, plusieurs cas de contamination ont été signalés dans les casernes. Pire encore : une étude confidentielle de 2022, que nous avons pu consulter, signalait que certains anciens sapeurs-pompiers en Île-de-France présentent des taux de PFAS dans le sang nettement supérieurs à la moyenne nationale. Une situation préoccupante, qui commence à mobiliser les syndicats.

Et nos robinets dans tout ça ?

La question qui brûle toutes les lèvres : retrouve-t-on des PFAS dans l’eau du robinet à Paris ? À ce jour, Aucun dépassement de seuil réglementaire n’a été officiellement enregistré. Cependant, les analyses antérieures étaient rarement orientées spécifiquement sur les PFAS, faute de réglementation claire en la matière.

Bonne nouvelle : depuis janvier 2023, la réglementation européenne impose des normes plus strictes pour la présence de certains PFAS dans l’eau potable. Paris Eau (l’établissement public qui fournit l’eau à la capitale) a d’ores et déjà lancé des campagnes de dépistage plus ciblées, et les premières données rassurent pour l’instant. C’est encourageant… mais la vigilance reste de mise.

Ce que vous pouvez faire à votre échelle

Face à l’omniprésence des PFAS et à leur persistance, il serait facile de céder au fatalisme. Mais chacun peut agir, même modestement :

  • Évitez les poêles en téflon abîmées : elles peuvent relâcher des particules en cas d’usure.
  • Préférez les vêtements sans traitement anti-taches ou déperlant : ces traitements sont souvent à base de fluor.
  • Lisez les étiquettes de vos cosmétiques et emballages alimentaires : les mentions « PTFE », « perfluoro », « fluoro » sont de bons indicateurs.
  • Utilisez des filtres à charbon actif pour votre eau potable : ils ne sont pas parfaits, mais permettent une réduction partielle des PFAS.

Et pourquoi ne pas questionner aussi vos élus locaux ? La pression citoyenne a déjà permis d’obtenir des analyses dans plusieurs communes voisines de Paris. Votre voix compte.

Vers un avenir sans polluants éternels ?

Le combat contre les PFAS ne fait que commencer. En France, leur interdiction totale fait encore débat, mais les progrès réglementaires se multiplient depuis cinq ans. L’Union Européenne prévoit d’interdire plusieurs familles de PFAS d’ici 2025, tandis que des substituts plus respectueux de l’environnement commencent à émerger pour certains usages industriels.

D’ici là, la transparence des analyses, l’accès public aux données environnementales et une véritable cartographie nationale (qui inclurait Paris en détail) sont autant de chantiers prioritaires. Ne pas savoir, c’est aussi une forme de vulnérabilité. Et à l’heure où les PFAS s’invitent silencieusement dans nos vies, mieux les connaître est un premier pas vers la protection.

Paris, ville lumière, ne doit pas devenir ville trace.