Pourquoi un filtre « tout-en-un » est (presque) un mythe
PFAS, nitrates, métaux lourds… Vous avez l’impression qu’il faudrait un doctorat en chimie pour choisir un simple filtre d’eau du robinet ? Vous n’êtes pas seul·e.
La mauvaise nouvelle : aucun système unique, simple et bon marché ne traite efficacement ces trois familles de polluants à la fois. La bonne nouvelle : certaines combinaisons de filtres y parviennent très bien, à condition de comprendre qui fait quoi.
Avant de parler équipements, un rappel essentiel : la potabilité de l’eau relève d’abord du service public. Un filtre domestique ne remplace ni les contrôles sanitaires officiels ni les recommandations de votre ARS. Il vient en complément, pour réduire davantage certains contaminants.
PFAS, nitrates, métaux lourds : trois familles, trois logiques
Pourquoi est-il si compliqué de tout traiter d’un coup ? Parce que ces trois groupes de polluants ont des propriétés très différentes.
PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées)
On les surnomme « polluants éternels ». Ils sont :
Ils se traitent surtout par :
Nitrates
Les nitrates sont des ions très mobiles dans l’eau, principalement liés aux pratiques agricoles (engrais, effluents d’élevage). Les filtres « classiques » ne les arrêtent pas bien. Ils se traitent par :
Métaux lourds
On pense surtout au plomb, au cuivre, au nickel, au chrome, parfois à l’arsenic. Une partie peut venir des canalisations anciennes ou de la robinetterie, en particulier dans les logements anciens.
Ils se réduisent avec :
Vous le voyez venir : l’osmose inverse est l’un des rares procédés capables de réduire à la fois PFAS, nitrates et une partie des métaux lourds. Mais ce n’est pas la seule option, et ce n’est pas toujours la plus pertinente.
Les grandes familles de filtres domestiques (et ce qu’elles savent faire)
Avant de parler de combinaisons, passons en revue les outils disponibles au robinet.
1. Charbon actif (bloc ou granulés)
C’est le filtre star des carafes et des systèmes sous évier. Il est excellent pour :
Mais il est peu efficace sur les nitrates. Si votre problématique principale, ce sont les nitrates, le charbon ne suffira pas.
2. Résines échangeuses d’ions
Ce sont des petites billes qui échangent des ions présents dans l’eau (par exemple, NO₃⁻) contre d’autres ions moins problématiques.
On en trouve dans :
Pour les nitrates, il faut des résines spécifiques nitrates. Elles sont parfois régénérables (avec sel), parfois jetables.
3. Osmose inverse
Ici, l’eau passe sous pression à travers une membrane très fine (0,0001 micron). Cette membrane retient la majorité :
C’est l’une des solutions les plus complètes, mais elle a des inconvénients :
4. Filtres à base de cuivre-zinc (type KDF)
Ces médias fonctionnent par réactions d’oxydoréduction, utiles pour :
Ils sont souvent utilisés en complément du charbon actif dans des systèmes sous évier.
5. Ultrafiltration et microfiltration
Ces membranes (plus grossières que l’osmose inverse) retiennent :
Mais elles ne sont pas adaptées pour les nitrates, la plupart des PFAS ni les métaux dissous.
Les combinaisons de filtres les plus pertinentes pour PFAS + nitrates + métaux lourds
Entrons dans le concret. Voici les configurations les plus adaptées lorsque l’objectif est de réduire ces trois types de polluants à partir de l’eau du robinet.
Combinaison 1 : Osmose inverse sous évier + préfiltration charbon
C’est la solution « couteau suisse » chez le particulier.
En pratique, un système complet comprend :
Cette combinaison est pertinente si :
À vérifier avant achat :
Pour limiter le gaspillage, certains modèles récents ont un ratio 1:1 ou 1,5:1 (1 litre rejeté pour 1 litre produit). D’autres permettent de raccorder l’eau rejetée à la chasse d’eau, par exemple. Ce n’est pas parfait, mais c’est un progrès par rapport aux anciens systèmes.
Combinaison 2 : Charbon actif haute performance + média métalliques + résine nitrates
Si l’osmose inverse vous semble trop lourde, il existe une approche par filtres combinés sous évier.
Certains systèmes associent dans une même cartouche (ou dans un enchaînement de cartouches) :
C’est une configuration intéressante si :
Mais attention :
À surveiller donc, surtout si un bébé ou une femme enceinte consomme cette eau. Dans ces cas sensibles, demandez toujours l’avis de votre médecin ou d’un professionnel de santé en plus des informations techniques.
Combinaison 3 : Système en deux étages – Charbon + osmose inverse « minimale »
Une approche intéressante consiste à « déporter » une partie du travail sur un très bon système charbon, puis à utiliser une osmose inverse plus légère.
En clair :
L’intérêt :
Ce type de configuration est plus technique à mettre en place, mais il permet parfois de trouver un équilibre entre performance, coût et confort.
Et les carafes filtrantes dans tout ça ?
Les carafes filtrantes au charbon actif (parfois avec un peu de résine) ont leur utilité, mais il faut rester lucide sur leurs limites :
Autre point à ne pas négliger : si les cartouches ne sont pas changées assez souvent, la carafe peut devenir un nid à bactéries. Le bénéfice initial se transforme alors en risque supplémentaire.
En résumé : pour traiter sérieusement PFAS + nitrates + métaux lourds, une carafe, même « haut de gamme », reste insuffisante. Elle peut être un premier pas, mais pas une solution de fond.
Comment choisir en pratique : les bonnes questions à se poser
Avant de foncer sur un système « triple action révolutionnaire » vanté par une pub en ligne, posez-vous quelques questions simples.
1. Que contient vraiment mon eau ?
On ne soigne pas tout le monde avec la même ordonnance. Quelques pistes :
Selon le profil de votre eau, l’intensité du traitement nécessaire ne sera pas la même.
2. De quel volume d’eau filtrée ai-je réellement besoin ?
Souhaitez-vous filtrer :
Plus le volume à traiter est important, plus il faudra réfléchir à la consommation d’eau (cas de l’osmose inverse) et au coût des cartouches.
3. Suis-je prêt·e à entretenir mon système sérieusement ?
Un filtre, c’est un peu comme un frigo : utile seulement s’il est branché… et entretenu.
Vérifiez :
Un système très performant mais mal entretenu peut finir par relarguer des contaminants… ou héberger un joli petit écosystème microbien.
PFAS : ce que l’on peut raisonnablement attendre d’un filtre domestique
Les PFAS sont un cas particulier, pour plusieurs raisons :
Ce que l’on sait :
Si votre principale inquiétude concerne les PFAS, privilégiez :
Et gardez en tête qu’aucun filtre domestique ne compensera une pollution massive à la source. La bataille contre les PFAS se joue surtout sur le plan réglementaire et industriel.
Nitrates : quand un filtre devient vraiment pertinent
En France, la limite de qualité pour les nitrates est de 50 mg/L. Si votre eau se situe :
Un filtre à résine spécifique nitrates ou une osmose inverse peuvent alors être un complément intéressant, mais ils ne doivent pas servir à « rattraper » une eau gravement non conforme.
Métaux lourds : attention aux canalisations domestiques
On pense souvent aux « pollutions industrielles » pour les métaux lourds, mais une partie du problème peut se jouer à quelques centimètres de votre verre, dans :
Dans ce cas, un filtre sous évier ou un osmoseur ont un avantage : ils traitent l’eau juste avant consommation, après son passage dans la plomberie domestique.
Pour les métaux lourds, privilégiez :
Et si votre logement est ancien, se poser la question d’une rénovation des canalisations reste la meilleure mesure à long terme.
Quelques repères pour ne pas se perdre parmi les promesses marketing
Pour choisir sans se laisser hypnotiser par les slogans, gardez en tête ces quelques principes :
En matière de filtration, la transparence est souvent un indicateur fiable… de fiabilité.
En définitive, la meilleure combinaison de filtres sera celle qui répond à votre profil d’eau, à vos usages et à votre capacité d’entretien. L’osmose inverse + préfiltration charbon reste la solution la plus globale pour PFAS, nitrates et métaux lourds, mais des systèmes combinant charbon, médias métalliques et résines spécifiques peuvent aussi représenter un compromis intéressant, surtout lorsque les niveaux de pollution sont modérés.
